TOPE 5 du Chatelleraudais - Territoire

« Il n’y a pas d’œuvre inachevée, il n’y a que des œuvres abandonnées. » Paul Valéry

L’intérêt d’un élu local dès 2014 a permis de susciter progressivement celui des maires des cinq communes du territoire (Colombiers, Naintré, Cenon-sur-Vienne, Scorbé-Clairvaux, Thuré), puis des conseils municipaux respectifs. A partir de la fin 2017, ils ont solidairement assuré un portage politique et permis une démarche de préfiguration vers l’habilitation avec l'aide et l'adhésion des Personnes Privées Durablement d’Emploi (PPDE) présentes.

Cinq communes semi-rurales, 14250 habitants sur 120 km² de superficie. Au 31 décembre 2021, au début du projet, 170 personnes potentiellement cibles sont identifiées. Entre 2019 et 2021, 119 personnes ont été rencontrées. A ce jour, l’Entreprise à But d’Emplois (EBE) a recruté 68 personnes issues de la privation d’emploi, soit 60.85 équivalents temps plein (ETP). L’autre caractéristique du territoire est l’absence de structures de l’Insertion par l’Activité Economique (IAE). L'Économie Sociale et Solidaire (ESS) est, quant à elle, une compétence de la communauté d’agglomération de Grand Châtellerault. Concernant, les personnes reçues depuis l’habilitation du territoire, la majeure partie ne bénéficie pas de moyens de transport, soit parce qu’elles ne sont pas titulaires du permis de conduire, soit parce que l’acquisition et l’entretien d’un véhicule sont trop onéreux pour elles. Il leur est donc difficile de se rendre auprès du bassin d’emploi de Châtellerault pour trouver un emploi (les transports en commun existent mais sont peu adaptés à ces profils). Il est également à noter que la plupart des personnes  connaît de grandes difficultés de santé ; ce qui les a conduites à la perte d’emplois. Elles ont la Reconnaissance de Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) mais ne souhaitent pas le faire savoir car, selon elles, il s’agit d’un facteur discriminatoire auprès des entreprises. La moyenne de privation d’emploi est supérieure à cinq ans, et concerne autant les femmes que les hommes. Leur niveau de qualification s’arrête au CAP/BEP.

Les clefs de la réussite reposent sur deux éléments : un portage politique fort et une adhésion quasi immédiate des premiers Topeurs. Les élus ont mis en place toutes les conditions pour que les activités pensées, construites et voulues par le Comité Local pour l'Emploi (CLE) et les PPDE, extrêmement motivées et impliquées, puissent se réaliser dans les meilleures conditions. L’EBE a alors pu et su se développer, nouer des liens de confiance avec le tissu industriel local, pour aujourd’hui atteindre une maturité dans sa gestion administrative, financière et humaine. Maturité par ailleurs reconnue par ses pairs et partenaires.

Le panier de courses moyen des personnes intégrées au Ressort s’est agrandi au profit des commerçants locaux. L’impact n’est bien évidemment pas uniquement financier. Le retour à l’emploi entraîne un retour vers la confiance en soi, donc vers un mieux-être et un mieux vivre ensemble. Les questions de santé sont également mieux traitées sur le territoire puisque grâce à l’accompagnement de l’EBE, les problématiques de santé sont prises en charge plus rapidement, évitant une aggravation de l’état de santé des personnes. De plus, la recyclerie a une influence grandissante en dehors du territoire : de nombreux particuliers s’y rendent pour acheter de l’occasion par convictions écologiques. C’est pourquoi, une benne de récupération a été installée par les services de Grand Châtellerault à la déchetterie : certains meubles et petits électroménagers y sont déposés de manière à favoriser leur recyclage plutôt que leur destruction. Enfin, le CLE travaille de concert avec l’ensemble des partenaires de l’emploi du territoire et ainsi contribue à la réussite des politiques publiques mises en place sur le territoire.

Dans un premier temps, l'arrivée de l’expérimentation sur le territoire a suscité de nombreuses interrogations et doutes auprès des acteurs locaux et institutionnels. Mais, à force de pédagogie et d’explications, une adhésion de plus en plus forte est née pour s’inscrire durablement au sein des cinq communes. Aujourd’hui, au vu des résultats positifs et du nombre de PPDE ayant rejoint l’EBE, cette expérimentation est devenue un modèle d’insertion, même si le chemin est encore long pour atteindre l’exhaustivité. De même, les élus du territoire ont largement contribué à cette réussite en permettant un portage politique fort : mise à disposition de certaines infrastructures (maraîchage, champignonnière), subvention de démarrage pour la recyclerie et contribution financière au poste de la chargée de mission. Néanmoins, il est à noter que cette contribution est largement insuffisante vu le nombre de missions à accomplir. Il est bon de rappeler que Tope 5 est un des seuls territoires à ne disposer que d’1 seul équivalent temps plein (ETP). Cette réalité est loin d’être comprise de tous. Comment recevoir les PPDE, les accompagner au mieux une fois sur liste de mobilisation, faire le suivi d’information, répondre aux différentes sollicitations et événements d’ETCLD et TZCLD, rédiger un bilan de l’expérimentation, gérer l’association Tope5, réfléchir à de nouvelles activités, rencontrer et travailler avec l’ensemble des partenaires, animer le CLE, rédiger les demandes de subventions, chercher de nouveaux financements (privés et européens), trouver des stagiaires pour pallier le manque de bénévoles, mobiliser de nouveaux bénévoles, coordonner des relations apaisées avec l’EBE… ; alors que les journées ne sont pas à rallonge, et que la chargée de mission ne peut se dédoubler… C’est un frein réel au bon développement de TZCLD du Châtelleraudais. Il est temps de réfléchir à un financement du CLE, ou alors il ne faut pas habiliter ces territoires fragilisés intrinsèquement.

Les attentes sont de plusieurs ordres : inscrire dans la 3ème loi un mode de financement pérenne du poste de chargée de mission du CLE. Permettre également à l’EBE de continuer à se développer en ne diminuant pas la contribution au développement de l’emploi. Et élargir le périmètre d’action des EBE dans la création de nouvelles activités hors territoire tout en veillant à respecter la clause de non-concurrence. Au vu des réussites des territoires habilités, il serait opportun de permettre l’ouverture de l’expérimentation à d’autres territoires, notamment dans le sud de la Vienne, qui concentre toutes les caractéristiques favorables à une nouvelle habilitation, tant en termes de pauvreté, de déserts médicaux, de problématiques liés à une zone géographique quasi rurale, qu’un taux de chômage élevé.