Sélia* et Rosa* - Témoignage
Entreprise ayant pour fonction de créer des emplois manquants sur le territoire et adaptés aux personnes privées durablement d'emploi.
Espace géographique continu de taille variable, au sein duquel l'expérimentation est pilotée par un comité local pour l'emploi.
Elle concerne les personnes désireuses de travailler, mais dans l'impossibilité de trouver un emploi depuis au moins un an.
L'ETP est une unité de mesure permettant de quantifier le travail effectué par une ou plusieurs personnes par rapport à un temps de travail plein (ex : un contrat à 80% équivaut à 0,8 ETP).

— Sélia* et Rosa*Transcription écrite d’interview du 21 janvier 2025. Témoignages anonymes S. et R. salariées dans l’EBE BAM Emplois Services
Bonjour, S. et R., vous êtes salariées de l’entreprise BAM Emplois Services, j’ai quelques questions à vous poser pour le « Bilan des gens » pour le Fonds national Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée.
J’ai besoin de vous questionner sur la manière dont vous êtes arrivées dans le projet ?
S. : Pour moi, c’était du bouche à oreille, par rapport à mes voisines, et à mes copines. J’ai vu mes copines travailler ici, et j’ai demandé comment ça se passe chez vous ? Comment vous êtes entrées dans ce travail ? Du coup, elles m’ont expliquées qu’elles avaient des heures respectables, qu’elles avaient le droit de choisir leurs heures, leur emploi du temps. C’est ça qui m’a donné envie de travailler avec BAM ES.
R. : moi c’est pareil que pour S. c’était au centre social qu’on m’a proposé ce travail. Il y avait un monsieur qui s’appelle Jacques. Il m’a demandé. Après j’ai dit que j’accepte. Quand j’ai demandé à mes voisines, elles m’ont dit que ça se passe bien. Mêmes pour les heures, comme l’a dit ma collègue, tu peux choisir soit de travailler le matin soit de travailler l’après-midi. Ca m’arrangeait beaucoup, comme j’ai des enfants.
Que vous a apporté ce projet ?
R. : Moralement ça m’a apporté.
S. : Pour moi quand j’ai voulu travailler, ça m’a fait un truc, je me suis sentie revivre à nouveau. J’avais arrêté de travailler depuis presque 10 ans ou plus. Là, j’avais besoin de trouver un travail où je puisse reprendre confiance en moi, et là, ça a été exceptionnel, parfait pour moi. C’était juste à côté de chez moi, et comme ma fille est à l’école, ça m’arrangeait beaucoup par rapport à l’emploi du temps, par rapport à l’entourage, parce que je connaissais plein de monde. C’était presque tous mes voisins qui travaillent avec moi, donc ça m’a donné comme une autre vie. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut dire, vous voyez, c’est « dans le cœur ». J’étais… vraiment, j’étais trop contente ! …de retravailler… et c’est comme si on était utiles pour les gens, parce qu’il y a des personnes âgées ou handicapées qui viennent acheter dans les boutiques, et ils n’ont pas de moyens de transport pour aller acheter ailleurs. Les deux boutiques sur Bouffémont sont vraiment essentielles pour ces gens-là, parce qu’ils n’ont pas les moyens de transport pour aller autre part, dans les autres villes. C’est essentiel de garder ces boutiques-là. J’ai vu que je pouvais apporter quelque chose pour ces gens-là, et j’ai un grand plaisir à travailler et à faire cette activité.
R. : Je suis encore vivante, on va dire ça comme ça. J’avais une difficulté. On aurait dit que j’étais une femme au foyer, et apparemment je ne faisais rien, mais comme j’ai repris le travail, je sens que j’ai une autre vie, je suis encore vivante, je travaille… ça donne envie en vrai, ça donne envie. La vérité c’est que ce travail, ça change tout pour moi, ça donne tout. Il y a les collègues, tu sors, tu vois le chef, tu parles.
S. : ça te change de routine… les routines qu’on a, ça n’a rien à voir ! Nous on était des femmes au foyer, et là on rencontre des femmes qui travaillent, on rencontre des gens, des personnes, un autre entourage. C’est une autre vie pour nous.
R. : Tu vois à la maison on travaille, mais les gens ne vont pas le reconnaître, donc c’est comme si on ne travaillait pas. Mais quand tu sors, c’est une autre vie. S. : moi, j’étais presque en dépression. Il y avait une certaine période, où j’étais trop stressée. C’est vrai que mon mari travaille, mais on ne pouvait pas faire des voyages. Du coup, je suis restée 4 ou 5 ans sans voir mes parents. Ce travail m’a permis de m’acheter un billet pour aller voir mes parents ! Ça c’est quelque chose, vraiment… je ne trouve pas les mots pour dire…
R. : Elle ne l’oubliera jamais.
S. : C’est quelque chose … je ne peux pas l’exprimer ! Je suis très reconnaissante. Oui c’est de la gratitude. Ce travail m’a permis d’acheter un billet pour aller voir mes parents ! Ne pas pouvoir aller voir ses parents pendant 4 ans ou 5 ans, ça fait mal au cœur. Si je m’arrête de travailler, tout va recommencer : le stress, la dépression, les maladies, tout, tout, tout, tout, tout !
Comment vous sentez-vous par rapport à la situation actuelle de l’entreprise, qui est difficile financièrement ?
S. : Ça fait mal au cœur. Quand j’ai entendu ça à la dernière réunion, j’ai pleuré. J’ai passé une semaine… Je te jure, j’en étais malade ! J’ai passé une semaine : malade ! A penser qu’il viendra un jour où ça va fermer, et que tout ce qu’on a fait, c’est comme si on n’avait rien fait, qu’on repart à zéro. Moi je pensais qu’on allait aller plus loin avec ce travail, qu’on allait voir d’autres gens, qu’il y aurait plein de choses à faire… qu’on apprendrait à faire d’autres choses.
R : Pour moi c’est pire que triste
Comment vous vous imaginez travailler ailleurs dans 6 mois, 1 an, ou 5 ans ?
S. : Pour moi, par rapport à ma santé : je sais bien que je ne pourrai pas trouver un travail facilement. Comme je suis en train de préparer un dossier MDPH, pour le moment, un travail à côté de chez moi, ce n’est pas possible à trouver. Je ne vais pas pouvoir travailler plus loin de chez moi. C’est pour ça que pour le moment… je sais que je ne vais pas pouvoir travailler trop loin, parce que déjà j’ai une arthrose dans la hanche, je n’arrive pas à marcher beaucoup, je ne peux pas faire de grandes distances pour aller travailler. Je ne vais pas pouvoir aller plus loin… ça me fait mal au cœur… là je pense que…, je commence à penser que ça y est, que la vie que j’avais avant va revenir, et c’est ça qui me fait mal.
R : Moi non, mon mari n’acceptera pas. Il accepte ce travail, parce que je suis à côté, c’est pour ça... S. : Déjà quand on pense que l’on va revivre la même chose que l’on a vécue avant… ça fait mal au cœur.
Ce témoignage est celui d'anciennes salariées de l'EBE BAM, en activité de mai 2022 à février 2025. Leur témoignage a été recueilli en janvier 2025, avant la fermeture de l'entreprise.
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